Pèire Boissière
chanteur, conteur, chercheur, passeur ... poète
Né à Gavaudun, Pèire Boissière nous a quittés le 8 janvier 2022. Cela faisait des années qu’il parsemait son chemin de cailloux d’humanité sonore…
Après de brillantes études d’ingénieur en agronomie, Pèire Boissière complètera sa formation universitaire par la découverte immersive de l’Amérique centrale, à travers le compagnonnage avec les peuples autochtones. Ces deux ans de coopération auront affuté chez lui un regard attentif aux liens anthropologiques qui unissent pratiques sociales et faits culturels. Il sera sur le terrain, toujours, au plus près des hommes qui élaborent les paysages avec lesquels ils interagissent.
De retour en France, le voilà professeur à Aurillac. C’est le moment d’une prise de conscience : la langue des siens – cette langue que l’école laïque, qui a formé cet esprit vif, a souvent rabaissé au rang de patois indigne – est en fait l’occitan, la langue même des troubadours qui initièrent l’Europe à l’amour, mais également la langue des paysans, ceux d’Auvergne comme ceux de son Haut Agenais natal. Tenir ferme les deux bouts de la corde sera l’un des traits marquant de sa personnalité : la culture populaire, au même titre que la culture savante, a droit à notre considération.
Il donne alors des cours d’occitan en lycée mais également à l’hôpital (il regrettait que notre société n’ait su inventer une « prise en charge linguistique » des anciens en maison de retraite). Dans le droit fil de cette démarche, il participe à la fondation de l’Institut d’Études Occitanes du Cantal. Par la suite, il ne fuira jamais l’engagement associatif ou citoyen quand il s’agira de défendre dans la sphère publique une culture occitane en butte au refus de penser les identités multiples (Association pour la Culture Populaire en Agenais, École Occitane d’Été, Radio 4 cantons, plusieurs mandats municipaux).
Dans ces années 70 qui voient le renouveau des musiques traditionnelles, il commence à collecter chansons et danses auprès des acteurs oubliés de cette « oralité invisible ». Doué d’une empathie peu commune, il sait établir avec ses témoins une relation de confiance, dont l’intensité doit beaucoup à sa posture d’ethnologue engagé. Il a désormais choisi de vivre pour cet art vocal dont la moindre manifestation peut provoquer, selon ses mots, le transport de « toutes ses cellules ». C’est sur le vif, lors d’une soirée ou d’un bal, que l’on mesurait vraiment la profondeur de son chant. Et ce geste créateur sans concession au « pittoresque », cette façon d’aborder un répertoire de plus en plus large, auront séduit une nouvelle génération de chanteurs prêts à prendre leur tour dans la grande chaîne du souffle.
Écoutons ce poète nous parler du « branle boièr », ce chant sans parole qui le fascinait : « C’était pour [les laboureurs] un plaisir de le faire ; ils communiquaient avec les autres, avec la nature. Ils s’accordaient avec l’espace, l’univers […]. Je me souviens de ce que me dit un jour une femme […] : son beau-père, à l’agonie, chantait « boièr ».
Frederic Fijac
Vidéo réalisée et présentée au Campestral 2022 à Bon-Encontre.
Captation du spectacle, le 27 février 2008 à Bon-Encontre.
Vous trouverez ICI Lo branle de boièr, cant de laurada en Agenés, par Pèire Boissièra paru en juin 2016.
C'est au Comdt ( 5 rue du Pont de Tounis 31000 Toulouse) que sont conservés les principaux travaux de Pèire Boissière. Ils sont sur place ou en ligne.
Une page y est consacrée : https://cataloguedoc.comdt.org/Record.htm?idlist=4&record=19153038124919712109
Pèire Boissière a participé à plusieurs collectages d'abord dans le Cantal : le violonaire Antonin Chabrier, La Cantaire Louise Reichert et bien sûr dans le sud-ouest particulièrement dans son canton d'origine.
La matière de ce disque a été fournie par les nombreuses personnes qui, dans toutes les communes des 4 cantons (du Haut-Agenais) et quelques communes voisines, ont lors des enquêtes chaleureusement ouvert les portes de leurs savoirs et de leurs conceptions, que leurs voix ou leurs musiques soient gravées ici ou non. Enquêtes réalisées de 1977 à 1980.